Comment je suis devenue borgne (avec du pas glamour inside)

Vendredi dernier, j’ai eu la chance, que dis je, l’immense joie, de me faire opérer en urgence. En ambulatoire. Oui tu as compris. Une opération à laquelle tu n’as le temps de te préparer psychologiquement. Et à peine terminé on te remet debout et on te demande de te casser. Le pied !! Enfin non. Pour le coup, c’était la paupière.

J’ai eu un minuscule bouton à l’intérieur de la paupière. Un chalazion (Si jamais tu veux googliser. Et allez vomir. Vas-y, je t’attends pour continuer…)

Un bouton donc. Qui ne partait pas. Et grossissait. Et s’infectait. J’ai eu un traitement. Qui n’a pas fonctionné. (Certains ont de la chance. D’autres non. Moi j’ai carrément une poisse généralisée cumulative. Oui ! Ça existe !) Après avoir consulté mon médecin, puis un spécialiste en urgence, avoir entendu que ça allait s’améliorer, avoir posé un congé pour rien (créneau d’ophtalmo en urgence oblige) je suis donc rentrée chez moi. Et ça ne s’est toujours pas amélioré. Pire, ça s’est sur-infecté. (A ce stade de mon récit, j’imagine ton air de dégout et je comprends ta désillusion. Moi, le corps parfait, l’haleine mentholée même après une murge au Mojito et 17h de sommeil, le cheveux soyeux et brushé à la perfection à l’instant même où le réveil sonne. Et bien tu sais désormais que j’ai aussi des failles.

Je disais donc. Avec une paupière viable et une paupière en cours de décès, je me décidais, après avoir suivi scrupuleusement 3 semaines de traitement, à rappeler le spécialiste.

C’était vendredi matin.

10h30 : On me demande de venir sur le créneau d’urgence, 1h15 plus tard.

10h31 : On m’annonce qu’il y un créneau d’intervention en ambulatoire aujourd’hui, juste après le créneau des RDV en urgence, entre midi et deux. (Le mec charcute des paupières infectées entre ses carottes râpées et son jambon-beurre) (Il a intérêt de faire gaffe ce con, la vinaigrette des carottes dans mon œil malade, et je le bute).

10h32 : On me demande de venir accompagnée. Au cas où on déciderait de m’opérer en urgence. Je ne serais pas dans la capacité de conduire. (Nan mais on m’enlève en truc vite fait et on me jette dehors ou on m’enlève la paupière, l’œil, et dans ce cas, ok, je ne pourrais pas conduire ?! C’est quoi cette arnaque ?!)

10h33 : Je commence à baliser.

10h34 : N’ayons pas peur des mots : Je flippe ma race.

10h40 : J’annonce à mes collègues que je dois filer, que je vais peut être me faire opérer. (« Hein ? » « Quoi ? » « Courage ! »)

11h10 : J’arrive chez moi pour réquisitionner mon mari. Je lui explique qu’on va m’amputer la paupière et me mettre un œil de verre, j’ai donc besoin de lui pour m’emmener.

11h11 : Il me dit qu’il n’est pas taxi.

11h12 : Je lui dis que je l’emmerde.

11h13 : Il me dit qu’il déconne et que je n’ai aucun humour.

11h14 : Je lui dis que la perspective de me faire amputer d’une paupière et de mourir d’une anesthésie ratée m’empêche de saisir son humour pourri.

11h45 : J’arrive chez le spécialiste. Il me dit qu’effectivement, ça ne s’est pas amélioré depuis la dernière fois. (Rappelle moi combien tu es payé ?! Nan parce que même mon fils de 2 ans ½ aurait pu le dire.) (Pardon, le stress me rend conne.) (Comme je ne suis déjà pas facile, de base, le stress me rend conne puissance 1000.)

11h46 : Il m’annonce qu’il me garde pour une intervention en urgence. Et que je ressortirai dans la foulée. (Si je ne meurs pas d’une anesthésie ratée.)

11h50 : On me demande de descendre à l’accueil de la clinique pour donner les papiers nécessaires à l’établissement de mon dossier. (En brancard j’espère ?! Nan parce que moi, si on m’annonce des trucs comme ça, je ne peux plus marcher !) (Pas de brancard, je dois me démerder !) (Aucun soutien, super !)

11h53 : J’arrive à l’accueil, je tombe sur Stacy, pouf de 25 ans sur-maquillée, en formation hôtesse réceptionniste, drivée par Claudine, cinquantenaire, tenancière du pôle accueil. (Les prénoms ont été modifiés, pour des raisons de confidentialité.)

11h54 : Claudine informe Stacy que je suis là pour une intervention en ambulatoire, et lui indique quels papiers elle doit me réclamer pour monter mon dossier. Stacy ne comprend rien. Elle me demande de lui confirmer que je viens pour une intervention ambulatoire avec le docteur L. Je lui répond que non, je viens pour lui sucer la nouille.

11h55 : Elle a autant d’humour que moi un jour d’opération impromptue. Elle me demande donc ma carte Vitale, ma carte de mutuelle et tutti quanti. Je lui demande si elle veut ma carte Séphora en plus. Elle ne rigole toujours pas.

11h56 : On m’indique où je dois aller. Je demande si je peux bénéficier d’un brancard pour m’y rendre. On me répond non. Toujours aucun soutien…

12h10 : J’arrive dans le bon couloir. Après m’être perdue (Rapport à la poisse généralisée cumulative).

12h15 : On me demande de poser mes affaires dans un casier. On m’enfile une blouse, une charlotte et des sur-chaussures.

12h16 : J’ai l’air d’un schtroumpf obèse. Et j’ai peur.

12h17 : On m’installe dans une pièce remplie de gens ayant le double de l’âge de mes grands parents. Tous avec un œil déconnant. Qui ont l’air con avec leur blouse et leur charlotte. Ah… Ba comme moi quoi.

12h25 : Une infirmière vient me mettre une goutte dans l’œil. Je lui demande si c’est l’anesthésie. Elle me répond en riant « pas vraiment ».

12h26 : J’ai tellement peur que j’ai envie de m’enfuir dans la rue avec ma charlotte, et ma blouse qui ne cache pas mon fion. Heureusement j’ai gardé mon pantalon.

12h30 : L’infirmière me met une seconde goutte dans l’œil. Je la menace lui demande en quoi consiste l’anesthésie. Et si je vais y rester. Elle me dit que le spécialiste me fera une injection dans la paupière juste avant l’intervention. Je lui adresse un sourire mais je suppose que je deviens jaune. Et si je n’avais reçu aucune éducation, je me serais aussi certainement chié dessus. Mais je contrôle mes sphincters.

12h45 : L’infirmière m’indique que l’on va m’installer dans la salle. C’est mon tour. Je demande si pour y aller je peux bénéficier d’un brancard. Toujours pas.

12h46 : J’arrive dans la salle aseptisée. Je ne vois pas de carottes râpées. Je respire.

12h47 : On me demande de m’installer sur le siège, et on me bascule en position allongée. Le spécialiste m’explique qu’il va me faire une injection dans la paupière pour l’anesthésier. Je récite un Notre Père.

12h48 : Ok donc une injection dans une paupière infectée est aussi agréable qu’un accouchement. Avec déchirure. Sans péridurale.

12h50 : Le spécialiste (ce con) décide qu’il est judicieux me décrire l’évolution de l’intervention. Il appuie donc comme un bourrin sur mon œil avec son genou pour « bien répartir l’anesthésie »

12h53 : Il m’informe qu’il me place un écarteur dans l’œil. « Ça va être un peu froid ».

12h53 : Froid ? Moi je commence à avoir chaud.

12h54 : Il me dit qu’il incise. « Oulaaa, ça ne demandait qu’à sortir ! » (Minute glamour bonjour)

12h54 : J’ai vraiment très chaud.

12h55 : Il me dit qu’il doit vider tout la coque dans laquelle loge l’infection (Minute glamour bis)

12h55 : Je transpire beaucoup tout à coup. Du front. De la moustache. Entre les seins. Partout.

12h56 : Il me dit que je vais avoir un hématome pendant plusieurs jours, et qu’il va me donner un traitement à suivre à la lettre pendant 15 jo

12h56 : Je n’entends plus rien. Je suis en train de mourir. Je le savais. L’anesthésie, ça craint de nos jours.

J’ai donc eu le droit au masque à oxygène, au brassard à tension (le lexique médical est mon ami), à la pince à l’oreille pour les pulsations cardiaques (soucis lexical bis), au sucre, aux jambes relevées…

Et j’ai eu le droit au brancard. Enfin !

PS : Mon œil va bien, J’ai survécu. J’ai toujours ma paupière, et même pas d’œil de verre. Bon, je suis violette, mais c’est la couleur à la mode au printemps prochain. Et je m’en fout, j’ai fait un tour en brancard.

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Photo Post opératoire / No make up. Le rêve.